Lise's B.

Le blog de Lise Bouvet

– TRON, CANTAT, DSK, POLANSKI, « intouchables » ?

Bonjour,

En ce 8 mars 2018, nous avons l’honneur de vous annoncer la sortie de notre livre « Intouchables ?, People, Justice & Impunité », étude des dossiers Polanski, Cantat, DSK et G.Tron, publié aux éditions Balland.

A cette occasion, voici la première partie de l’introduction, en guise de présentation de l’ouvrage.

Vous trouverez également ci dessous le communiqué de presse et le Quatrième de couverture.

En vous en souhaitant bonne lecture !

Amitiés féministes,

Lise Bouvet et Yael Mellul.

 

« Polanski, Cantat, DSK, Tron. Quatre affaires qui ont rythmé les deux dernières décennies médiatiques en France et, au-delà des hommes mis en cause, ont été l’occasion de mettre les violences faites aux femmes en avant.
Le propos de cet ouvrage tentera donc de rendre compte précisément de ce travail de la justice, en évoquant le fond des dossiers, mais aussi leurs contextes et leurs effets. Il s’agit de parler des violences dont il est question, en plus de rappeler au lecteur les détails juridiques des affaires, mais surtout d’analyser le discours médiatique qui les entoure et l’impact social ou politique qu’il a pu avoir. Nous n’avons pas choisi ces dossiers en fonction de considérations subjectives par rapport à ceux qui y sont mis en cause (que nous ne connaissons d’ailleurs pas personnellement) mais parce qu’ils sont l’occasion de présenter au lecteur un large éventail thématique des violences sur lesquelles nous travaillons : la pédocriminalité (dossier Polanski), les violences conjugales (les deux dossiers Cantat), le viol, l’agression sexuelle et la prostitution (les trois dossiers DSK) et enfin les violences sexuelles au travail (le dossier Tron).
Notre démarche sera d’ailleurs strictement la même dans les 4 dossiers. Nous commencerons par présenter au lecteur un tableau le plus complet possible des violences mentionnées dans le dossier, en y rattachant toutes les dernières statistiques disponibles, mondiales, européennes et surtout françaises. Une fois le phénomène en question suffisamment explicité, nous ferons une présentation chronologique, la plus précise possible, du dossier judiciaire. Enfin, nous analyserons les discours des médias et de la presse qui ont accompagné l’affaire, en montrant notamment l’évolution, ou l’absence d’évolution, de ceux-ci, et l’impact social ou politique qu’ils ont pu avoir, la façon dont des associations ont pu intervenir ou s’emparer de la question, comment divers acteurs sociaux ont réagi, etc.
La méthode employée est simple et systématique : pour les premières parties thématiques nous présentons au lecteur tous les chiffres officiels disponibles en ligne sur les sites des institutions ou organismes qui les produisent (tous les chiffres sont sourcés en notes). Pour le fond judiciaire des dossiers, il a été effectué un travail de description chronologique et d’analyse juridique à partir des archives publiques disponibles.
Pour l’interprétation discursive des affaires nous avons lu plus de 500 articles de presse les évoquant en suivant la méthode d’une étude similaire réalisée par la psycho-sociologue Patrizia Romito dans son ouvrage, devenu une référence, Un Silence de Mortes (traduit de l’italien Un Silenzio Assordente). Après avoir enquêté pendant des années sur les compte-rendus des crimes sexuels et violences faites aux femmes en Italie et dans le monde, Madame Romito, qui a reçu pour cette énorme enquête une bourse d’études dans une université nord-américaine, a établi une classification à partir de son analyse des discours médiatiques et sociaux. Cette classification décrit le fonctionnement de la transcription journalistique de ces affaires et s’applique parfaitement à nos 4 dossiers.
Patrizia Romito élabore un classement des réponses sociales systématiques aux dénonciations de violences sexuelles qu’elle a minutieusement décortiquées et analysées pendant ces années de recherches. Elle classe en premier lieu ce qu’elle appelle les tactiques d’occultation: euphémisation (notamment dans le langage) des faits, déshumanisation de la victime, culpabilisation de la victime, inversion victime-agresseur, accusation de mensonge (ou d’exagération), psychologisation de l’affaire (réduction à des passions individuelles hors champ d’analyse sociale ou politique), naturalisation des actes (invocation de « pulsions » notamment), tactique de distinction-séparation (relativisation, enfouissement de l’acte criminel dans une masse d’autres considérations futiles). En second lieu, P. Romito présente ce qu’elle nomme des stratégies d’occultation: légitimations de la violence, négation des faits, discours pédophile sur la prétendue sexualité consentie des enfants et jeunes adolescentes, disparition de l’agresseur dans le récit journalistique et social, concentration de l’attention médiatique sur les victimes et/ou ce qu’elles auraient fait ou mal fait (dérivation de l’attention qui protège l’agresseur).
Comme nous le verrons ce classement s’applique parfaitement à l’analyse de nos quatre dossiers, même si tous les éléments n’y figurent pas à chaque fois en même temps. Typiquement, il est difficile de remettre en cause la matérialité des faits dans le dossier Marie Trintignant qui a été tuée par Bertrand Cantat ni même dans celui de Samantha Geimer puisque Roman Polanski a plaidé coupable. On verra que les tactiques et les stratégies du « discours agresseur » varient et s’adaptent en fonction des violences dont il est question. Ce discours n’est d’ailleurs pas forcément conscient, il est énoncé par un certain nombre de locuteurs, puis repris, ou non, par les médias. Cependant, nous le verrons, on observe au fur et à mesure des affaires une véritable évolution du discours médiatique et une prise de conscience grandissante par certains journalistes des travers de ce discours, notamment grâce à la mobilisation et aux dénonciations d’acteurs sociaux tels que les associations ou personnalités féministes. »

 

MELLUL-BOUVET-Intouchables

CPIntouchablesOctobre2017

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